Le rap est le style musical le plus regardé sur les plateformes de streaming musical. Y compris au Québec. La popularité de ces émissions s’est accrue jusqu’à rap pour francophones la dernière saison sur Télé-Québec avec La fin des faibles, l’adaptation télévisée du célèbre MC Challenge End of the Weak.
Cette saison, 16 candidats s’affronteront à nouveau dans diverses épreuves, dont la rédaction d’un poème sous l’œil attentif des juges Koriass, Sarahmee et Souldia.Le fait qu’une chaîne généraliste consacre une émission à la culture musicale hip-hop « est la preuve que le hip-hop a maintenant réussie à s’imposer comme une partie de la culture populaire du Québec », déclare Sarahmee qui est bien connue des fans pour ses chansons à succès « Fuego », en duo avec Souldia et « Le coeur d’a ses raisons » extraites de son album Poupee russe.
Le rap québécois, une popularité croissante
Comme une indication de la popularité croissante du genre au Québec Le prix de l’artiste masculin de l’année au Gala de l’ADISQ 2021 a été décerné au rappeur FouKi, dont le titre « Copilote » (avec Jay Scott) a obtenu 6,6 millions de streams sur Spotify et est beaucoup plus que les 3 millions d’écoutes pour « A ma maniere » le smash pop féminin de Roxane Bruneau. En 2019, Loud avait été le premier rappeur à remporter le premier prix de l’histoire de la cérémonie de remise des prix et ce même Loud dont les concerts sur les plaines d’Abraham lors du Festival d’été de Québec en 2018 et au Centre Bell ont attiré un total de plus de 100 000 personnes.
Le rap est le roi et le maître sur toutes les plateformes du monde numérique. Selon Viberate qui analyse les données de l’industrie musicale, il est responsable de 38% des écoutes sur Spotify. Et le Québec ne fait pas exception à la règle : « Je n’aurais pas cru que c’était possible il y a 15 ans, c’est fou ! », s’exclame le vétéran Imposs qui, avec ses collègues J.Kyll et Dramatik, a formé le collectif Muzion en 1996.
Leur single « La vi ti neg » est considéré comme un classique québécois du genre. Aux côtés de Dubmatique, Loco Locass (qui a fait de la lutte pour la souveraineté du Québec et de la France la base de sa musique), Sans Pression, Yvon Kreve et Rainmen, Muzion a participé à la » première période dorée » du hip-hop québécois à la fin des années 1990, aux côtés de groupes français (IAM, Fonky Family, Les Sages Poetes de la rue, etc.) et américains (Wuhan, Muzion, etc.).) ainsi que ceux de la scène rap américaine (Wu-Tang Clan, A Tribe Called Quest et autres.), ont influencé une nouvelle génération d’artistes qui, à la fin de la décennie, ont repris le flambeau de Manu Militari Koriass et Souldia entre autres, ainsi que le groupe Alaclair Ensemble, Loud Lary Ajust et Dead Obies.
Un nouveau genre muscial
Ils ont brisé les frontières du genre musical en le mélangeant à l’afro-latin, au pop, aux Caraïbes ainsi qu’à la musique électronique et ont ainsi attiré un nouveau public », explique Steve Jolin (Anodajay) qui a créé en 2003 Disques 7ieme Ciel, aujourd’hui l’un des labels les plus prestigieux au Québec, quel que soit le genre. « Nous étions des pionniers », dit Steve Jolin et ses collègues qui, avec lui, portent avec aplomb la scène musicale québécoise depuis de nombreuses années. « Surtout, nous n’avons jamais renoncé à penser que cela viendrait dans un avenir proche, que ce soit plus tôt ou plus tard.Plus vite que tard, pourrait-on dire.
Aux États-Unis, comme en France, le rap est populaire depuis qu’il a été présenté aux masses à la fin des années 1990 ; il est devenu un phénomène commercial et culturel populaire au cours des deux dernières décennies, avec des festivals, des tournées d’arénas et des stations de radio qui se consacrent au genre.
Au Québec, le genre n’a pu s’imposer qu’en 2014, suite à l’arrivée (trois ans après les États-Unis) de plateformes numériques comme Spotify qui a été créée en Suède en 2006. Ces plateformes ont permis aux artistes de se faire entendre plus facilement « , explique Jolin. Le rap est encore majoritairement considéré comme péjoratif par les radios commerciales québécoises et les ventes d’albums sont en baisse, mais « ce que les auditeurs écoutent sur ces plateformes, c’est de la musique qui est du rap », insiste l’homme d’affaires.
Les données de Spotify prouvent son affirmation : au cours d’une semaine donnée de novembre 2021, 4 ou 5 des 10 albums les plus écoutés par les utilisateurs montréalais étaient des titres de rap. Le titre québécois le plus populaire à cette époque était le titre « Copilote » de FouKi, qui a occupé une position imbattable au 20e rang de la liste jusqu’à la fin de l’année. L’influence des rappeurs sur les diverses plateformes peut avoir une incidence sur l’aide financière reçue de la Fondation Musicaction, dont le but est de favoriser l’essor de la musique principalement francophone au Canada.
Les producteurs ont beaucoup plus de facilité que par le passé à répondre aux critères d’éligibilité de ces programmes », explique Carlos Munoz, directeur de Joy Ride Records. La part des musiciens dans le budget alloué au rap est passée de 7,8 % en 2015-2016 à 13,2 % en 2019-2020. Pour le PDG de Joy Ride Records, qui est la maison des légendaires Connaisseur Ticaso, Rymz, le collectif 5Sang14 et Loud la montée en puissance des rappeurs québécois comme facteur économique et culturel important ces derniers temps est due à une variété de facteurs.
Elle est notamment due à la décentralisation des techniques de production, qui lui a permis de concurrencer les grandes stars du rap américain et français, ainsi qu’à l’émergence d’une jeune génération de groupes que le grand public et les personnes influentes (programmateurs de festivals médiatiques, diffuseurs) reconnaissent. « J’ai une analyse actuarielle de ce phénomène », déclare Carlos Munoz, qui travaillait dans la haute finance avant de créer Joy Ride Records en 2009.
Selon l’assistant de direction d’une société d’investissement, trois grands marchés sont présents au Québec. « Le premier, qui est historiquement le plus ancien, représente les régions qui ont une musique plus pointue » comme Rymz par exemple.
L’autre, que l’on peut qualifier de « classe moyenne » est représenté par ces artistes urbains et est lié aux dernières modes (hip-hop nuageux, atmosphérique ou trap, avec ses rythmes creux et ses beats flashy, qui sont sortis au cours de la dernière décennie) dont font partie les Dead Obies ou l’ensemble Alaclair. « Et le troisième, qui existe depuis des années mais qui a pris de l’ampleur au cours des trois ou quatre dernières années, est un rap dont le dénominateur commun n’est pas ethnique mais plutôt socioéconomique et qui s’est développé principalement à Montréal et dans ses banlieues ».
Une musique liée aux facteurs sociaux économiques
Le rap élaboré par des musiciens nés au Québec ou à l’étranger et appartenant à des minorités culturelles est représenté par les étoiles montantes Tizzo, Shreez et le collectif 5Sang14 qui comprend Carlos Munoz et Carlos Munoz. Tous trois sont millionnaires en fonction du nombre d’écoutes qu’ils reçoivent sur YouTube ainsi que sur Spotify. Ce rap aborde généralement les réalités de la vie dans les communautés multiculturelles et a contribué à présenter une image de la diversité, comme une expression d’une société en mutation.
L’apparition à la télévision de la prochaine émission The End of the Weak est un tournant pour le juge, dit Sarahmee. « Je trouve fascinant que nous montrions le cœur de la culture. Il est crucial de sensibiliser les gens à cette culture, car elle reste un mystère pour la majorité des gens et est liée à une variété d’idées préconçues.
Il est vrai que le rap est un genre authentique, mais qui met l’accent sur l’authenticité et l’esprit communautaire ainsi que sur des rimes bien ficelées, continue d’être associé à des bandes de criminels ou au moment négatif qu’il pourrait apporter à la langue française. Quand on parle du genre rap, on parle encore souvent de ses clichés ; pourtant, à mon avis, c’est la nouvelle musique pop », déclare Sarahmee. Le rap est la nouvelle pop, et le rap est dans la pop. C’est ce que sera la musique pop en 2022″.