Interview M’Festa : Je me sens africaine depuis toujours

M’Festa est une chanteuse qui vient de Lucé, près de Chartres. Elle commence ses classes très jeune en tant que choriste avant d’intégrer des bands. Le maxi CD « Make Me Smile », composé de 5 titres est sorti en Aout 2020. Dans cet album, elle se revendique artiste jazz soul hip hop reggae. On en découvre un extrait avec le puissant « Day By Day », sorti le 9 octobre.

Comment êtes-vous arrivée dans la musique ?

Mes parents écoutaient beaucoup de musique. Mon amour de l’écriture me vient de mon père qui écrit beaucoup. J’ai toujours écrit des poésies ou des comptines à l’école. J’ai intégré des chorales au collège et j’ai ensuite monté des groupes avec mes copines. J’ai été dans une chorale de gospel et j’ai beaucoup fait les refrains des rappeurs pendant mon adolescence. Plus tard, je suis arrivée à Tours et je suis partie en tournée avec le groupe d’afrobeat qui avait en parallèle un groupe de reggae et c’est réellement à ce moment-là que j’ai commencé le reggae. Mais plus tard j’ai voulu retourner vers les musiques qui m’appelaient comme le jazz, la soul, le gospel. J’écoutais beaucoup Liz McComb par exemple.

Votre nom de scène, M’Festa, a-t-il une signification particulière pour vous ?

J’avais un pseudonyme à l’époque et je voulais changer. On écoutait un morceau du groupe Misty in Roots avec un ami et l’intro faisait « Festa, Festa, Festa ». Mon ami m’a dit que ce nom m’irait bien. Ça s’est fait comme ça, et j’ai rajouté le M pour que ça sonne un peu plus africain.

Vous avez d’abord été choriste avant d’intégrer des bands, quel a été le déclic pour vous lancer en solo ?

Le vrai déclic s’est fait en 2001 où j’ai fait une scène en tant que choriste et je chantais mes morceaux en 1ère partie. J’ai vu la réaction positive du public et également celle des musiciens avec qui je jouais, ça m’a motivé, mais j’ai continuais à faire des chœurs car j’avais du mal à me dire réellement chanteuse. J’ai rencontré quelqu’un qui m’a vraiment fait prendre conscience que oui j’étais chanteuse. J’ai intégré l’idée, et ça m’a libérée car j’écrivais depuis longtemps et j’avais des choses à dire.

Parfaite transition car j’allais vous demander comment se passe l’écriture des chansons ?

Très souvent c’est quelque chose qui se passe dans la journée. Ça peut partir d’une phrase ou d’un instrumental que j’entends, il n’y a pas vraiment de règle. Pour la musique, je ne suis pas réellement compositrice, donc j’écris une base à la guitare et je travaille avec des arrangeurs.

Quand vous écrivez vos chansons, parlez-vous plutôt de vos expériences pour les partager avec le public, ou souhaitez-vous mettre en avant des valeurs ou des choses qui vous touchent ?

Parfois je pars de mon vécu ou de ce que j’ai pu observer et je vais aller vers des valeurs ou vers une universalité. J’aime également faire des textes qui apaisent ou qui vont toucher une blessure pour l’apaiser en même temps.

Pensez-vous que la musique peut changer le monde et doit-elle avoir un message politique, comme ont pu le faire Bob Marley ou Marvin Gaye à travers leurs chansons ?

Oui on a ce rôle, mais pas que. C’est important car justement l’exemple de Bob Marley est très fort puisque ça touche encore les gens aujourd’hui. On peut être engagé mais il faut le faire intelligemment, sans aller dans des extrêmes ; il faut que ça parle aux gens sans être trop radical.

Le maxi CD « Make Me Smile » est composé de 5 chansons, dont 1 en français et 4 en anglais. Quelle est la raison de cette unique chanson en français ?

J’écris beaucoup en anglais, mais le français vient de plus en plus naturellement. J’ai écouté beaucoup de musiques anglophones et pour moi le français n’est pas évident à rendre mélodieux. Je ne suis pas souvent satisfaite de mes mélodies en français. J’écris des poèmes et du slam en français mais je n’arrive pas à trouver le petit truc pour des chansons. Ce morceau en français, je l’assume totalement car il parle de moi pendant une période spécifique, et les gens se reconnaissent dans les paroles.

Comment décrirez-vous votre album en 2 mots ?

Je dirais éclectique et authentique.

Le 9 octobre est sorti le 1er clip sur la chanson « Day By Day » ? Comment est venu le choix de ce titre ?

On a longtemps hésité. Au début on voulait prendre la chanson « Espace-Temps », mais je trouvais que ça n’allait pas suffisamment me représenter puisque je ne chante pas souvent en français d’autant que ce morceau est très particulier au niveau du texte ; on l’a donc écarté. Finalement on a fait un genre de vote et c’est « Day By Day » qui est le plus ressorti. Il est plus universel musicalement, car il est un peu blues, un peur rock, et un peu soul. Et au niveau des paroles, c’est un message positif.

Et c’est un hymne à l’espoir, à l’amour et à la tolérance ?

Ça m’est venu à l’esprit après avoir travaillé le scénario avec le réalisateur du studio IMLIFE. Quand j’ai écrit le texte j’avais quelque chose de précis en tête et le réalisateur l’a compris complètement différemment. On a mélangé nos idées pour ce clip qui évoque de nombreux sujets.

Quels sont les musiciens qui ont travaillé avec vous sur cet album ?

Pour « Make Me Smile », « Day By Day » et « Espace-Temps » j’ai travaillé avec Ruben du Studio Du Bourgneuf, pas loin de chez moi à Chartres. Je lui ai envoyé les titres a cappella, il m’a proposé une mélodie et on a ensuite travaillé ensemble. Pour la chanson « Your Heart Is Over », j’ai voulu en faire une version acoustique car ce morceau me tient particulièrement à cœur et c’est Aurélien Parmentier qui joue à la guitare. Je voudrais en profiter pour remercier ma manageuse Sandrine Erialc qui a été d’un grand soutien.

Comment est venue l’idée de lancer un casting pour le clip « Day By Day »?

C’est encore le côté local qui ressort (rires). J’avais rencontré l’adjoint au maire quelques temps auparavant, et pour dynamiser un peu la région, j’ai eu cette idée de choisir des gens des alentours. Malheureusement ça n’a pas très bien marché, et ce n’est pas plus mal car dans le clip on retrouve mes amis, ma famille, et on a passé une journée extraordinaire. Seul le bébé et le petit garçon ne sont pas de ma famille. J’ai adoré l’expérience et j’adorerai le refaire.

Lors d’une précédente interview, vous avez dit que l’album tournait autour du monde, de la souffrance du monde, comment vivez-vous la période actuelle ?

On s’éloigne de plus en plus de la spiritualité, sans parler de religion bien sûr, on est trop dans le matériel et dans l’individualisme. On se méfie de plus en plus les uns des autres. On manque de bienveillance ; du coup ça me pousse à aller plus dans mes convictions comme la méditation énergétique, le yoga. Ça me permet d’aller vers un meilleur moi, car en étant un meilleur soi, on est meilleur avec les autres. J’ai une certaine résilience dans les choses et je vois plutôt le côté positif.

En 2019, vous avez chanté avec Pull it Jah pour une reggae party en 2019, le reggae est-il un univers qui est toujours en vous ?

J’étais dans le reggae pendant pas mal d’années. J’ai vécu en Martinique de 2006 à 2013 et le père de mes enfants est batteur et spécialement dans le reggae. Mais à un certain moment, j’ai voulu faire autre chose et suis retournée vers les musiques qui me parlaient d’avantage.

Vous écrivez des poèmes et vous faites du slam, avez-vous envisagé de mettre vos poèmes en musique ou de faire un album de slam ?

Oui carrément. J’ai en tête de faire un livre CD avec mes poèmes et des textes de slam que j’enregistrerai. L’intonation est très importante, et on me dit souvent que j’ai une voix apaisante. J’aimerais beaucoup, et j’ai d’ailleurs un contact, mais je prends le temps car pour l’instant je défends mon album.

Vous avez une très grande attirance pour l’Afrique, pensez-vous avoir été africaine dans une autre vie ?

Je pense que je le suis maintenant (rires). Depuis toute petite j’ai cette sensation, et souvent d’ailleurs on pense que je suis africaine et non antillaise. J’ai eu l’opportunité d’aller au Sénégal et j’ai réalisé que j’avais ce lien très fort. En y allant, j’ai pleurai tout le trajet tellement j’étais contente. C’est une perception très difficile à décrire.

Si vous deviez offrir un CD à un ami, ce serait quoi ?

Le premier qui me vient en tête, c’est un album de Nina Simone

Si vous deviez offrir un livre ?

« Et tu trouveras le trésor qui dort en toi » de Laurent Gounelle

Si vous pouviez revivre un moment sur scène, ce serait lequel ?

Bizarrement c’est en tant que choriste. Je faisais partie d’un groupe d’afrobeat dans les années 2000. J’ai adoré ce moment car on était beaucoup sur scène, environ 15 personnes, et il y avait une atmosphère que j’ai adorée. Ou alors, toujours en tant que choriste, avec Hugh Charlec en Martinique. Ce sont des moments où on est tous en cohésion.

Si vous pouviez inviter quelqu’un à venir partager la scène avec vous, ce serait qui ?

La première qui me vient en tête c’est Lauryn Hill. Nina Simone ce n’est pas possible (rires). Je dirai aussi Ben l’Oncle Soul.

Quelle est votre drogue naturelle favorite ?

Le sport et plus précisément la danse.