Voyou : « Un disque, ça se transmet comme un héritage »

Chargé d’un premier EP acclamé, on s’emmène volontiers dans l’univers visuel de Voyou. Des morceaux de vie, qui promettent au musicien un avenir miraculeux, au peloton de tête de la nouvelle scène française. Entretien.

Tu as sorti ton EP « On s’emmène avec toi », quels ont été les principaux retours ? 

Sur des jeunes projets, il y a, en général, que des bons retours. Les critiques qui n’aiment pas ne le diront pas, tant que tu n’est pas encore connu. En tout cas, les médias que j’espérais ont répondu présents. Ce qui m’importe le plus, c’est la réaction de mes proches, de ma famille, qui m’ont toujours soutenu.

« On s’emmène avec toi »… qui sont ces deux personnages ? 

Le « on » est général, forcément. Le « toi », c’est celle ou celui qui écoute l’EP. C’est une référence directe avec le titre éponyme, qui raconte un voyage. Quand tu arrives dans un nouvel endroit, tu ne te sens pas tout à fait à ta place. Il suffit que tu fasses les bonnes rencontres pour te rendre compte que tu peux t’y faire facilement un trou.

Ton projet s’insère plutôt bien dans cette nouvelle vague, aux côtés de Bagarre, The Pirouettes, ou même La Femme… 

Oui et non. Je n’ai jamais cherché à être dans l’air du temps. Tous ces groupes là, finalement, proposent des musiques très différentes. Mes inspirations sont claires, j’écoute des musiques cosmopolites et de pleins d’époques. Notamment la musique africaine et sud-américaine, qui me touchent beaucoup. Sans oublier la pop indé, très actuelle.

Des groupes qui ont tourné pendant que tu composais l’EP ? 

Chaque morceau à son histoire, son inspiration. J’ai un rapport assez boulimique avec la musique. Quand je compose, je suis tellement concentré que je ne pourrais pas forcément désigner un album en particulier.

Comment vis-tu la période de composition ? 

J’ai pris l’habitude de travailler plusieurs mois sur différents morceaux. Je passe d’un à l’autre, le processus s’étire donc et deviens long. Parfois, j’ai une panne d’idée et j’en laisse un de côté un moment, pour le reprendre plus tard. Ou pas…

Combien de morceaux as-tu travaillés, au total, pour au final n’en sélectionner que cinq ? 

Une quinzaine. Certains sont restés dans le tiroir pour l’album, d’autres ne sortiront peut-être jamais, encore d’autres ont été destinés à la scène. Avec mon label Entreprise, on a jugé de la pertinence de chaque morceau, il fallait qu’il y ait un fil conducteur entre chacun, une logique.
Un EP, c’est court, il faut que l’histoire découle rapidement. Le morceau La légende urbaine, étrangement, était le dernier morceau a être composé et j’ai tout de suite su qu’il y figurerait.

Donc un album est déjà en progression… 

Oui, du moins en période de composition. Mais rien de formel, pour l’instant. Je ne visualise pas encore le disque. Il sortira normalement aux environs de janvier/février 2019, après l’immense tournée qui se profile. C’est loin !

Ça commence par où, un disque ? 

Chez moi, d’abord la musique. Puis, vient le chant. Il peut arriver qu’un morceau soit très minimalisme au départ, dès qu’une idée fuse, je la rajoute. C’est ainsi qu’un titre gonfle et me convainc.

Où cet EP a t-il mûri ? 

C’est une production typique de tournée. Une petite partie, d’ailleurs, a été composée à Montréal au Canada, lorsque j’y vivais. Une autre a été insufflée par l’ambiance nantaise, où j’ai aussi vécu. J’ai tenté d’en faire un condensé visuel de divers endroits.

Qu’as-tu appris, en tant que musicien, au Canada ? 

Là-bas, j’ai été bercé par beaucoup de musiques électroniques alternatives. On y découvre tout un tas de petits labels, comme Fixture, Jeunesse Comsique, Lisbon Lux… beaucoup de scènes différentes mais de très bonnes vibes, dans lesquelles on s’imprègne totalement en tant que fan de musique.

Qu’est-ce que veut raconter le projet de Voyou ? 

Aujourd’hui, si j’ai une envie, c’est de retranscrire en musique des souvenirs. Mes musiques viennent de conversations que j’ai eu, que j’aurai aimé avoir aussi. Ou bien des paysages que j’ai traversés, en voyage personnel ou même en tournée. Je ne me considère pas à moi seul suffisant en tant qu’émotionnel ou en tant que personne pour composer des morceaux uniquement sur ma vie. Ces musiques se créent de tout ce qui gravite autour. Des petites scénettes de vie.

Tu joues le 9 avril à la Maroquinerie, en tête d’affiche. Qu’est-ce qui a été le point de non-retour selon toi pour Voyou ? 

Le premier concert qu’on m’a proposé, c’était à Nantes, au Festival Scopitone, organisé par Stereolux. À partir de là, je me suis dit « on me fait confiance ». Mon manager Nicolas Vandyck (Eddy de Pretto…) est alors arrivé. Un peu plus tard, j’ai signé avec la plus grande joie ce premier EP en collaboration avec le label Entreprise (Fishbach, Bagarre…). Aussitôt, j’ai compris que je pourrai faire la musique que je voulais, c’est peut-être là que tout a changé pour moi.

Pourquoi se nommer « Voyou « ? 

La réponse peut décevoir… La raison la plus lointaine dont je me souvienne, c’est grâce à un réseau social. J’avais posté un truc débile sur internet, un copain l’a lu et m’a traité de « voyou ». C’est un peu un surnom tendre et caractériel. Si tu fais une bêtise étant petit, ta grand mère peut te traiter de voyou, mais elle t’aime toujours pour autant. Quand on lit « Voyou », on peut s’y assimiler facilement. On est tous un peu des voyous.

Revenons sur l’EP. Parle-nous du titre Les naufragés, qui a un ton un peu tendre-amer… 

Comme dit précédemment, j’ai écris ce morceaux en tournée, j’étais dans un processus assez intemporel. La vie de tournée, tu sais, me fait penser à la vie de marin. En quelques heures à peine, on passe d’une ville à une autre, on y rencontre des gens de manière éphémère, on n’a pas le temps de découvrir la culture.
Je me suis donc intéressé à une histoire d’amour impossible, qui ne m’est pas arrivé cependant. Une tournée, c’est quelque chose qui te nourrit énormément et qui laisse peu de place au reste, on a peu de vie sociale, si ce n’est le monde que tu croises sur scène. C’est comme un contrat avec le diable en quelque sorte. Et c’est tout en mon honneur.

Les soirées, autre titre assez mélancolique, traite de la routine comme un cercle vicieux… es-tu casanier ? 

Non, je sors beaucoup. Ce morceau, c’est une intervention que je fais à moi-même. Faire la fête, c’est cool. Mais à part profiter de la vie, c’est souvent un cycle. En se réveillant le lendemain matin, la gueule de bois ne nous empêche pas forcément d’avoir envie de remettre ça.

Tu achètes toujours de la musique ? Comment la consommes-tu ?

J’ai toujours acheté des disques ou des vinyles. Je les écoute chez moi, du début jusqu’à la fin, c’est très important. En fait, j’ai un rapport particulier avec le disque dans son format originel car j’ai grandi avec. C’est quelque chose de très beau. En rangeant un CD, c’est comme si on posait une petite pierre sur un édifice ; ici, la discothèque. L’album a été rangé là un moment donné, il est marqué par un souvenir. Quand j’écoute un disque qui appartient à mon père par exemple, je ressens la période à laquelle il se l’ait procuré, ça éclaire un moment de ma mémoire.

Une fois arrivé à Paris il y a quelques mois, j’ai récupéré une tonne de CD. Des vieux, des plus récents… tous ancrés dans une époque. Plus tard, je voudrais que mes enfants récupèrent les miens. Un disque, ça se transmet comme un héritage. C’est un bien à part entière.

C’est un moyen de communication, selon toi ?

Totalement. Je vais encore chez le disquaire, pour trouver des perles. Pleins de groupes, ou des collectifs, se sont formés, en quelque sorte, après s’être rencontrés dans des raillons. Ça engendre un côté « sociabilisant ». Qui existe moins quand on écoute via un système de streaming.

C’est de moins en moins vrai. Le streaming peut aujourd’hui faire office de réseau social, on peut s’abonner, communiquer… 

Tout à fait ! Mais se voir, c’est d’autant mieux. J’écoute aussi beaucoup sur les plateformes. Pas le choix, vu la fréquence à laquelle je consomme la musique.

Comment gères-tu le live, puisque tu es seul sur scène ? 

J’ai la chance d’avoir appris beaucoup d’instruments de musique dans ma vie. Sur scène, j’alterne le plus possible. De la guitare, des drumpads que j’ai fabriqués qui produisent des lumières et des sons, du clavier, de la trompette, puis je chante…

C’est une approche assez subversive de la performance live. 

Quoiqu’il arrive, je tente de jouer avec le moins de bandes-sonores derrières. Histoire de rendre ça un peu ludique. Ça reste intime, le live. C’est comme si je donnais au public les clefs de ma chambre. Mais ce n’est pas dans une optique glorifiante, loin de là. Je ne suis pas seul face à une foule, je suis avec la foule.

2017 a été une très bonne cuvée pour rap français. 

C’est vrai. J’ai beaucoup saigné Ipséité de Damso. Le rap vit dans un autre monde, c’est un genre qui a réussi à se réinventer. Des gars comme Roméo Elvis, Lomepal, ils allient à merveille le rap et la pop. Même si j’écoute moins, ça marche. Mon dernier gros coup de cœur du moment, c’est le musicien Mou. Ce qu’il fait, c’est fou. 

Si on parlait cinéma, dans quel genre puises-tu tes imageries ? 

J’ai tendance à toujours écrire mes morceaux comme on peut écrire des dialogues de films.
En plus des films de la nouvelles vague, j’aime beaucoup le cinéma un peu psyché d’Antonin Peretjavko (La Loi de La Jungle). La musique fait bien d’être cinématographique, elle y a tout à gagner.

Retrouvez VOYOU sur Facebook,  Youtube