TOUT SAVOIR SUR LE MÉTIER DE MANAGER ARTISTIQUE – LE PILIER DE L'OMBRE

Les artistes sont ceux qu’on interview, qu’on met en lumière… mais il y a un immense travail dans l’ombre, dont celui du manager. C’est un véritable investissement, une passion, un accompagnement. Mais quelles sont les techniques pour permettre aux artistes de se dévoiler et de réaliser leur rêve de carrière ? Comment attirer l’œil d’un manager ? Comment fonctionne ce métier de l’ombre ?

Rencontre avec Olivier, que l’on surnomme Rider dans le métier, manager d’artistes passionné et acharné. 

– Bonjour Rider ! Tout d’abord peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton travail ?

Pour résumer, car un travail de manager c’est un travail à 360° : pour les artistes non connus, c’est un travail de développement. Et pour les artistes déjà confirmés, c’est un travail de gestion de carrière. Un jeune artiste va chercher un manager qui va l’amener vers une maison de disque, un producteur etc… le manager va le développer, le faire connaître. Pour un artiste déjà connu, on va plus gérer son agenda, l’accompagner dans ses choix, c’est un travail plus basé sur le conseil, la gestion de carrière. 

– Qu’est-ce qui t’as poussé à te lancer dans le management d’artistes ?

J’étais d’abord programmateur, j’avais une salle de concert en province. J’ai rencontré énormément d’artistes, j’ai fait beaucoup de régie… et à force de discuter avec eux, de passer des moments privilégiés avec eux, cela m’a donné envie de lancer des artistes. J’ai débuté avec Dionysos entre autres. C’est un véritable échange, on est une équipe, il faut beaucoup de confiance. C’est ce qui me plaît.

– Quels sont tes critères pour travailler avec un artiste ?

Le premier critère est évidemment musical. Mais ce qui compte aussi énormément pour moi c’est la personne. Il faut qu’elle dégage quelque chose, et c’est impératif pour moi de bien m’entendre avec elle. Ce métier est très difficile, avec beaucoup de hauts et de bas, des tensions, de la joie… On a beau cadrer la relation avec un contrat, il est indispensable d’avoir une bonne communication humaine. C’est un peu comme une union !

– Qu’est-ce qui te touches dans la musique ?

C’est le public qui me touche, ce qu’un artiste va pouvoir donner au public, et ce que lui-même rend à l’artiste. La meilleure place pour un manager c’est de regarder le retour sur scène. Il voit l’artiste, il entend le son, il voit la scène, le public et l’interaction. Tout ce qui s’en émane est très important. C’est là que les choses se passent. 

– Quelle est la clé du management d’artistes selon toi ? Qu’est-ce qui compte le plus dans l’accompagnement de leur carrière ?

Je reviens toujours à la relation humaine. Le contact humain qui amène la confiance, quoi qu’il arrive. Au-delà de ça, un manager est une personne qui doit savoir beaucoup de choses, tant au niveau de la scène, des maisons de disque, des productions, comprendre comment tout cela fonctionne… il faut avoir une connaissance très large du domaine musical. Être manager ça englobe plusieurs métiers : tourneur, maison de disque, diffuseur, marketing, promo… c’est intense, c’est pourquoi la relation humaine est primordiale.

– Aujourd’hui, on ne peut dénier l’influence des réseaux sociaux sur la carrière d’un artiste, certains managers refusent de collaborer si la visibilité virtuelle n’est pas assez élevée. Ce qui est assez ironique, car pour avoir une visibilité il faut des promoteurs, mais parfois pour avoir un promoteur, il faut déjà avoir de la visibilité. Quelle est ta position par rapport à cela ? Fais-tu attention à la notoriété virtuelle ?

Evidemment, on regarde cette notoriété virtuelle, mais ce n’est pas décisif pour un artiste que je prendrais en développement. Je suis en train de signer avec des talents totalement inconnus, mais qui ont des atouts fous, une fibre incroyable. Je m’occupe de certains artistes qui n’avaient personne dans leur salle de concert au début et qui sont aujourd’hui disque d’or. Donc ce n’est pas un frein pour moi, au contraire, c’est un défi.

– Cela dit, aujourd’hui certains artistes se débrouillent tout seul, et parviennent à se faire connaître via les réseaux sociaux sans l’aide d’un manager. Que peux-tu apporter de plus ? Dans la stratégie, le maintien de cette notoriété et l’évolution.

Les réseaux sociaux ce sont des chiffres, ça ne veut pas dire grand-chose et ça veut dire beaucoup. On peut se dire qu’il y a eu tant de vues sur une vidéo, ou tel nombre d’abonnés… déjà c’est une bonne chose, cela veut dire qu’il y a un retour. Mais cela ne détermine pas le vrai nombre de fans. Le manager travaille donc sur la diffusion de sa musique, comment va-t-il la développer, avec quels partenaires etc… la commercialisation derrière est un énorme travail. 

– Qu’est-ce qui peut démarquer un artiste des autres ?

Sa signature. Son identité sonore et scénique. Que ce soit par sa voix, originale ou qu’elle se démarque… et il faut une performance scénique, même si on ne passe pas par les radios, si sur scène on se prend une claque, c’est ce qui fait la différence. Donc cela se résume en deux choses : une identité scénique et une signature sonore particulière.

– Que préfères-tu dans ton job ?

Le fun ! On a un métier formidable. Ce que je préfère c’est accompagner les artistes sur le live, car c’est l’aboutissement de tout un travail. Quand on voit un public conquis, c’est le travail de l’équipe qui gagne. L’après-concert est formidable, on se retrouve tous pour un debrief, on passe du bon temps, la tension redescend, c’est tout le charme et la magie de notre travail.

– Et au contraire, qu’est-ce qui est le plus frustrant ?

La difficulté de développement lorsque l’on croit profondément en un artiste. Malgré le talent, et la motivation, parfois pour X raisons on ne parvient pas à développer un artiste. Ça peut dépendre de la musique du moment, des radios… mais tout d’un coup il peut y avoir une opportunité, la magie va opérer mais on ne sait pas où et comment… c’est la difficulté de ce métier, on ne sait pas quand ça va exploser. On peut faire le même travail acharné avec les maisons de disque et diffuseurs depuis des années sans grand résultat, un artiste peut cartonner car il a été d’un seul coup, le coup de cœur d’une radio importante. C’est un travail de tous les jours.

– As-tu un conseil pour les jeunes artistes ? Comment attirer un manager ?

Pour attirer l’œil d’un manager ou d’une maison de disque, il faut d’abord savoir porter son projet, y croire dur comme fer, aller jusqu’au bout. Ceux qui réussissent, il ne faut pas se leurrer, ce sont des acharnés du travail. La réussite arrive rarement d’un seul coup. Travail, travail travail… il n’y a pas de secret, c’est la clé !

Et même lorsque l’on parvient à atteindre le succès, il y a un immense travail ensuite, celui du maintien non ?

C’est ce qu’on appelle faire une carrière, et c’est le plus dur. Quand on voit certains artistes comme Dionysos qui a plus de vingt ans de carrière, avec des hauts et des bas, mais qui a su garder sa signature, et son authenticité, c’est cela un vrai succès. Car on peut être le groupe du moment, mais ne pas faire de carrière et être stoppé en plein vol. Il y a énormément de groupes qui se séparent après un succès et c’est bête, il faut savoir garder son authenticité et travailler. C’est là la plus grosse difficulté d’un manager, qu’un artiste puisse faire une carrière. Mon souci est aussi l’équilibre financier d’un groupe, un manager doit être un bon gestionnaire.

– Une anecdote, ton plus beau souvenir ?

J’en ai énormément mais je retiendrai surtout une étape avec Mathias Malzieu, le chanteur de Dionysos. Il est tombé gravement malade à une époque, je suis allé le rejoindre car il risquait de perdre la vie. Il voulait graver un dernier disque en souvenir. Fort heureusement il s’en est sorti et on a fait leur dernier album… avec le titre “Vampires de l’amour”.

La musique accompagne nos vies, nos joies et nos peines… mais derrière tout beau projet se cache une équipe acharnée. Nous avons découvert aujourd’hui le métier de manager véritable pilier de la carrière d’un artiste. Merci à Rider pour ses réponses sincères.

Si toi qui lis cette interview, jeune artiste hésitant encore à te lancer, fonces, crois en ton projet et tu attireras sans doutes l’œil d’un de ces talents de l’ombre…