Les mutations de l’industrie musicale, expliquées par Voyou

Nous avons retrouvé Thibaud Vanhooland aka Voyou à la terrasse d’un café parisien. Ancien bassiste de Rhum For Pauline, Pégase ou encore Elephanz, l’ex Nantais est aujourd’hui seul aux manettes de son projet. Multi-instrumentiste aux arrangements pop, il prépare un nouvel EP pour 2020. Pour patienter, ce dernier nous offre un regard juste et pragmatique sur les mutations de l’industrie musicale, et dévoile un nouveau morceau déjà dans toutes les têtes : Le Confort.

Bonjour Voyou, nous nous étions déjà rencontrés il y a plus d’un an. Tu sortais tout juste ton premier EP. Peux-tu nous expliquer ce qui t’a poussé à te lancer en solo ?

Disons que c’est venu de la frustration de jouer pour les autres sans pouvoir exprimer exactement ce que je voulais quand je le voulais. Je passais beaucoup de temps en répétition et en concert avec les groupes. Me retrouver chez moi avec mon ordinateur et mes instruments de musique, m’a permis de me reconnecter avec le plaisir de composer. Je pense que j’avais pas mal de choses personnelles à raconter, c’était le moment pour moi de voler de mes propres ailes. (Rires)

Tu mûrissais ce projet depuis longtemps ?

A vrai dire, j’étais en pause de tournée avec Elephanz et je suis parti au Canada après avoir été contacté par Scopitone pour une programmation en festival au mois de septembre. Durant ces quelques mois, j’ai écrit un maximum de titres. Je compose depuis l’âge de 12 ans, mais à aucun moment je n’avais envisagé de sortir un jour un de mes morceaux. Mon manager a beaucoup joué dans cette prise de décision. Quelques temps plus tard, j’ai sorti mon premier titre “Les soirées” sur internet, accompagné d’un clip.

A mon retour, j’ai ouvert pour Bagarre. Tout s’est enchaîné très vite, et Entreprise, qui est aujourd’hui mon label, a voulu signer avec moi.

Quelle importance as-tu accordé à ton choix de label ?

Je ne voulais pas aller sur une grosse major, qui transforme l’esprit que je voulais donner à mon projet. J’ai choisi un label qui me laisse une réelle liberté de création, autant pour mes chansons que pour mes arrangements. Moi, j’ai l’impression de faire des albums à l’ancienne. Je passe du temps en studio, je touche à plein d’instruments différents et j’ai besoin de chercher. Je n’ai pas la prétention d’avoir la science absolue en musique.

As-tu l’impression que certaines majors dénaturent la personnalité des artistes ?

Disons que pour la plupart, il y a une volonté de transformer les morceaux de certains artistes qui ne font pas eux-mêmes leurs arrangements, pour les rendre plus “accessibles”. Par accessibles, j’entends un titre dont les arrangements sont lissés. 

“Je trouve que l’on ne donne pas assez de possibilité aux artistes de développer leur côté artistique, on est plus occupé à développer leur image. Ce qui est dommage, c’est que parfois, la musique passe presque au second plan.” 

Ce n’est pas une critique. Certains projets sont recherchés et il faut avouer que travailler l’image, c’est tout un art.

C’est clair ! Et puis aujourd’hui la musique se “consomme” différemment aussi.

Carrément. Aujourd’hui, les gens découvrent des morceaux sur Instagram, c’est un peu étrange. (Rires)

Nous avons écouté Le Confort. Dans ce morceau, tu abordes la notion de « routine ». Est-ce que c’est quelque chose qui t’effraie, la routine ?

C’est pas tant un truc qui m’effraie, mais plus un truc que je combats. Dans ce morceau, j’aborde la notion de confort dans un couple, mais ça va au-delà de cette situation en particulier. Je voulais montrer que le confort de vie nous faisait parfois défaut. Faire de la musique est pour moi une bonne manière de ne pas tomber dans la routine.

Tu as souvent cette facilité à faire passer des textes tristes à travers une mélodie joyeuse. Tu aimes jouer sur ce paradoxe ?

Je ne m’en rends pas toujours compte, mais je le vois un peu comme une barrière à l’anxiété. En général, j’aime être transporté par un morceau, peu importe sa tonalité.

Peux-tu nous en dire plus sur le travail d’écriture et de composition ?

J’écris toute la partie instrumentale en premier. Je fais les arrangements, en adaptant les textures et en essayant de me projeter dans des décors, puis je laisse le morceau me souffler des situations, des paroles. J’ai toujours l’impression de me considérer comme un musicien avant d’être un chanteur.

Comment gères-tu le live depuis que tu es accompagné sur scène ?

Pour répondre à cette question, je vais citer une phrase de Fishbach qui disait dans une interview “Tout seul on va très vite, à plusieurs on va très loin”. J’ai vraiment senti que je pouvais amener les morceaux plus loin en étant avec des musiciens sur scène.

As-tu déjà rêvé d’une collaboration avec un artiste ou un groupe ?

Il y a énormément d’artistes que j’admire, mais je crois que je privilégie les rencontres et les hasards. J’aime garder une distance avec le projet des autres, et déguster les morceaux comme un ado de 13 ans qui écoute un morceau de Radiohead en boucle dans sa chambre.

Quels sont tes projets pour la suite ?

Un nouvel EP, l’année prochaine. Pour le moment, je n’ai pas vraiment de date, car je vais probablement devoir me faire opérer des cordes vocales. Une petite pause s’impose comme on dit (rires). Je vais en profiter pour écrire des morceaux ou dessiner.

Peux-tu me donner trois de tes coups de cœur du moment ? 

En ce moment je suis en boucle sur un groupe qui s’appelle SAULT, c’est ma petite claque du moment. C’est anglais, dans un style soul et RnB. C’est hyper beau ! Un truc que je redécouvre, ce sont les compils ! L’ancêtre de la playlist. Des compils de musiques turques psychédélique des années 70, un vrai kiff. Et suis aussi tombé sur une compilation de covers de musiques, que j’écoute pas mal en ce moment, ça s’appelle “Undercover Lover”. 

Pour terminer, je te propose un VRAI ou FAUX ! Tu as déjà pris un café avec Eddy de Pretto. Vrai ou faux ?

Vrai. Eddy de Pretto fait partie des personnes que je croise pas mal, avec qui je m’entends très bien. J’ai ouvert pour certains de ses concerts avant qu’il fasse sa tournée des Zéniths. 

Tu as déjà sauté depuis la scène pour te laisser porter par la foule pendant un concert. Vrai ou faux ?

Faux. J’y ai déjà pensé, mais je me suis vite raisonné en songeant à ma taille et mon poids. Pas sûr que ça plairait au public ! (Rires)

Tu as déjà ignoré un message pour ne pas être dérangé. Vrai ou faux ?

Vrai. Je fais ça en permanence. Je déteste le téléphone, en fait. Avec ma famille, au travail, je ne réponds jamais aux textos. Je préfère parler avec les gens, plutôt que leur écrire des messages.

Tu as déjà écrit une chanson pour une personne dont tu étais secrètement amoureux. Vrai ou faux ? 

Vrai. Très vrai, même ! Il y a un paquet de filles à qui j’ai écrit des chansons, mais ça n’a jamais été très concluant. Je me rappelle qu’au lycée, en seconde, j’étais fou amoureux d’une fille qui est d’ailleurs une super pote à moi aujourd’hui. Je lui avais écrit tout un récital au piano. Elle avait trouvé ça super beau, mais elle n’avait pas voulu sortir avec moi. (Rires)

Un grand merci à Thibaud Vanhooland aka Voyou et Nicolas Van Dyck pour leur disponibilité et les échanges lumineux que j’ai pu avoir chacun d’entre eux. Retrouvez Voyou le 15 avril à la Gaîté Lyrique, et suivez toute son actualité sur Youtube, Facebook et Instagram.

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