Govrache en Interview : comme une pause en prose.

Présente au Festival d’Avignon, MAMUSICALE en profite pour rencontrer GOVRACHE. Sélectionné dans les talents ADAMI, il est en concert du 6 au 28 juillet à 19h30 au théâtre de l’Arrache-Cœur.

Ton nom, Govrache, est un clin d’œil au personnage de Gavroche, mais pourquoi avoir pris un nom de scène ?

J’ai tourné pendant 7 ans en Normandie sous mon nom, David Hebert, et en arrivant à Paris je voulais trouver des musiciens, il y avait déjà une idée de groupe, d’où un nom de scène avec un petit clin d’œil à Victor Hugo et c’est parti comme ça. C’est pas plus compliqué que ça !

Quel est le parcours artistique de David Hebert avant Govrache ?

Ça a été assez compliqué. A 5 ans, faute de moyen, ma mère m’a donné le choix entre des cours de guitare ou des cours de boxe et j’ai choisi la boxe que j’ai pratiqué jusqu’à l’âge de 20 ans. Je me suis intéressé à la musique par un pote qui avait commencé la guitare à 19 ans. Il  jouait super bien et j’ai réalisé que c’était possible de commencer tardivement. Petit à petit, j’ai débuté par des reprises de Bowie, de Brel, puis à écrire des morceaux, ça a plu. Je faisais des concerts de reprises et avec le temps j’intégrais de plus en plus de compos. Je jouais dans les bistrots, dans la rue, devant les terrasses.

Tu as reçu de nombreux prix, ça représente quoi pour toi ?

J’aime bien les tremplins, ça permet d’aller à la rencontre des pros, des programmateurs, des journalistes. Je n’ai pas du tout l’esprit de compétition en musique, mais tu rencontres d’autres artistes et je me suis fait plein de potes avec les tremplins. Les prix que j’ai reçus sont des prix du public.

Ce sont ces différents prix qui t’ont amené à être dans les talents ADAMI ?

L’ADAMI contacte 5 programmateurs qui proposent leur coup de cœur. Nous sommes le coup de cœur de Chant’Appart basé à la Roche sur Yon.

Quel est l’apport de l’encadrement de l’ADAMI pour un artiste ?

C’est hyper confort. Tu n’es pas seul avec ta valise et ta gratte. Tu as une structure qui gère la promo, les parades. Je suis ici avec Limouzart qui fait des reportages et génère beaucoup d’actualités. Nous on ne gère que l’artistique.

Comment organises-tu une journée de festival ? Tu as du temps pour voir d’autres spectacles ?

Les premiers jours avaient une gestion très pro, je craignais la fatigue. Jusqu’à présent je n’ai vu aucun spectacle mais ça démarre après l’interview, avec une copine et un talent ADAMI, Marjolaine Piémont, ensuite j’irai voir Gatica. Les journées sont plutôt serrées. De 12h à 14h, on est Place du Change, pour la parade ADAMI. L’après-midi est libre, j’en profite pour tracter et parader encore.

Peux-tu évoquer ta rencontre avec Gauvain Sers ?

On se connaissait artistiquement bien avant tout ce qui lui est arrivé. Mais à chaque fois il y avait un impondérable qui nous empêchait de se croiser. J’ai fait un concert dans la Creuse, auquel son père a assisté, et qui lui a parlé de moi. Puis sur une date, au forum Leo Ferré, il est venu me voir et nous avons tout de suite accroché. On a passé la nuit à déconner et une amitié est née. Ensuite, il lui est arrivé ce qui lui est arrivé et il m’a proposé de faire sa première partie ! Et aujourd’hui c’est vraiment un ami qui compte !

Et les répercutions ?

Elles sont énormes ! En termes de kiff, il m’a fait faire des salles de 1000 places. Il m’a fait rencontrer un public. Et aujourd’hui des programmateurs qui ne me programmaient pas le font, car ils savent que l’on peut remplir une salle de 200 places parce que l’on a fait 55 dates avec Gauvain Sers. Voilà !

On bascule sur ta discographie, pourquoi 2 albums si proches dans le temps, en mars dernier et en septembre prochain?

Plusieurs raisons : Pour la com c’était intéressant de les sortir en deux temps et surtout artistiquement, les albums s’appellent « Des murmures » et « Des cris ». Je ne voulais pas alterner sur un même album un murmure puis un cri. J’ai eu envie de faire un album avec des textes tendres, puis sortir plus tard un autre album plus engagé et avec plus de machines, on flirte avec le hip-hop. Au final, on va rassembler les deux dans un bel objet, un double vinyl avec un beau livret. Voilà les aspects artistiques et esthétiques de ce projet.

Je t’ai découvert en première partie de Gauvain Sers, au Plan (Ris-Orangis). Ce soir-là, tu as fait trente minutes de slam sans aucun accompagnement. Pourquoi cette envie et s’est-elle reproduite ?

On était aux environs de la trentième date, et depuis le début j’alternais une chanson, un slam. On est à Ris-Orangis en banlieue parisienne, il y a une culture du slam plus aboutit qu’en province, c’était une bonne date pour faire un set juste avec des textes et ça a fonctionné. Ça marque une étape de plus de transition avec la chanson et ça m’est arrivé de le refaire mais au Plan c’était la première fois.

Est-ce également une façon de mettre plus en avant tes textes ?

Je ne sais pas si ça va bien répondre à ta question mais mes chansons je les assumais de moins en moins, je les ai écrite il y a longtemps. Ça fait sept ans que je n’écris que des slams. C’est comme un artisan, avec le temps, tu ne fais pas les choses de la même façon et donc mes nouveaux textes je les assume plus que les anciens, d’où mon envie de mettre vraiment le slam en avant. Et de fait, tu as raison, juste proposer un texte sans mélodie, t’es à poil, il n’y a que le texte et si ça marche, mis correctement en musique et je fais confiance à mes musiciens pour ça, l’ensemble va fonctionner.

Tu as dit dans une interview que tu te considérais comme un auteur plus qu’un musicien, c’est une des raisons de  proposer tes textes sans musique ?

On dit auteur compositeur interprète, pour moi c’est comme dire menuisier, boulanger, chocolatier, il y a forcément un domaine dans lequel tu seras meilleur et un autre moins bon. Moi j’ai pris conscience de ça tardivement. Maintenant je sais que je ne suis pas un musicien, je fais de la guitare, je ne suis pas un guitariste. Je vais axer mon travail en tant qu’auteur et interprète. Aujourd’hui j’ai un poids en moins, ne plus me faire chier à trouver des mélodies avec toujours les mêmes accords parce que je suis limité techniquement. J’ai des musiciens qui font ça bien mieux que moi, et moi je me concentre sur mon job d’auteur.

Tu envisages d’écrire sous d’autres formats que des textes de slam, comme des poésies, des nouvelles, un roman …

Pour l’instant, je reste à mes textes, je ne dis pas jamais, je n’en sais rien. Je suis très lent, il me faut trois, quatre, six mois pour écrire un texte. Je ne suis jamais content, il me faut des carnets entiers pour un seul texte. Ecrire un roman j’adorerai mais ça va être un vrai cauchemar, je vais mettre dix ans ! Je m’axe sur le slam, j’ai des projets d’albums concepts. Il me faut du temps, je n’ai pas écrit depuis septembre. J’attends la fin la tournée pour me remettre à l’écriture d’un album.

Ce qui est certain c’est que le travail paye,  tes textes sont superbes !

Merci. Ça vaut toujours le coup de bosser, j’aurais du mal à me regarder dans le miroir si je n’étais pas satisfait. J’ai un truc, la première à écouter mes textes c’est ma femme, et si elle n’a pas les larmes, les poils qui se dressent ou le sourire, le texte reste dans les tiroirs.

Avec les sujets abordés dans tes textes, quels sont les retours ?

Il y a de tout. Les retours sur le nouveau spectacle sont très tranchés. Soient les gens adorent, soient ils n’aiment pas du tout. Mais je pars du principe que l’on ne peut pas plaire à tout le monde. Même si tu es lisse comme du velours, tu ne plairas pas parce que justement on te trouvera trop lisse. J’ai décidé d’être moi-même et je me fous que les gens me traitent de gauchiste ou d’engagé. J’essaye de ne pas juger.

Il y a souvent des témoignages forts. Par exemple, hier, après le concert une pro est venu m’aborder, les larmes sont montées, et elle m’a dit on se reverra je ne peux pas parler et elle est partie. Ça arrive souvent et je suis hyper content de ça. Moi j’aime être dans des états de fortes émotions durant les spectacles. Savoir que tu génères ça sur les gens c’est magnifique, ça fait un peu vantard mais ce n’est vraiment pas le cas.

Comment est né le titre « Le bout de la table » ?

C’est ma belle-mère qui m’a donné l’idée. Elle venait de perdre sa maman et le jour où elle a pris sa place, elle m’a dit « ça m’fait bizarre quand j’étais petite j’étais à l’autre bout ». Mais j’ai mis longtemps à trouver l’axe du petit garçon de 4 ans qui grandit.

Que va-t-il se passer autour de la sortie de l’album « Des cris » ?

Rien n’est prévu actuellement, on va voir comment il sera accueilli. « Des murmures » a été très bien accueilli et a reçu le prix Charles Cros. Nous n’avons pas communiqué plus que ça. Une fois que le double album sera sorti, on lancera la grosse artillerie avec attaché de presse et programmation radio. On compte beaucoup sur notre présence au Festival d’Avignon pour signer des dates pour la saison prochaine.

J’ai vu sur FB que tu es intervenu dans une école primaire, quel est le projet ?

Je suis surtout beaucoup intervenu en milieu carcéral. C’est hyper intense et enrichissant. Ça donne l’impression de faire un truc utile. J’ai fait des « post » devant les prisons et du coup des instits et des profs m’ont contacté pour faire des ateliers slam. Je suis moins à l’aise avec des enfants mais ça s’est très très bien passé. Le projet est que les enfants écrivent des textes,  de les aider et qu’ils présentent les slams devant la famille lors d’une première partie d’un concert. Ça s’est super bien passé et j’ai eu énormément de demandes mais avec mon actualité, je mets les ateliers entre parenthèse, le dernier était en juin et il n’y en aura certainement pas en 2020. Il y a trop de taf, de studio, de concerts et j’ai besoin de temps pour écrire dans le futur proche.

Quelques questions pour mieux te connaitre :

Tu as grandi en écoutant quoi ?

Je viens d’un milieu socialement défavorisé et donc également culturellement. Je tape sur l’éducation nationale mais c’est par l’école que j’ai vu ma première pièce. Ils font quand même le job. J’écoutais ce que mes parents écoutaient : Mikael Jackson et Madonna. Je ne connaissais pas la chanson française. J’étais plus Emile & Images que Brassens. Je crois beaucoup aux groupes de pairs. En sociologie il est dit que le développement d’un homme se fait par trois axes : la famille, l’école et le groupe de pairs. J’ai eu la chance d’avoir un super ami qui m’a fait découvrir à dix-neuf ans, Brel,  Brassens et surtout Ferré.

Dernier concert en tant que fan ?

Gaël Faye. C’est grâce à lui que je me suis mis au slam. Il y a une dizaine d’années, j’ai participé à un concert caritatif pour une association africaine. Il y participait également. Il était seul en slameur et j’ai pris la tarte de ma vie. J’ai pleuré. Il m’a fait prendre conscience qu’avec des mots on pouvait susciter des émotions intenses. Et je me suis mis à écrire des slams. Son dernier concert que j’ai vu était à l’Olympia. C’est un bel artiste, c’est un bel humain, il faudrait plus de type comme lui.

Ton invité ultime pour partager la scène ?

Keny Arkana. C’est une rappeuse marseillaise, altermondialiste et super engagée. Si tu m’avais demandé le meilleur concert de ma vie, j’aurais répondu Keny Arkana. C’est vraiment dingue, j’ai pas de mot tellement elle est forte, tellement elle a une présence scénique. C’est l’humain qui est derrière, elle est en colère et solaire à la fois. C’est un ovni. J’adore son univers, sa rage, son humanité, j’adore tout mais je ne la connais pas. J’adorerais la connaitre !

Et pour finir, ton coin préféré pour rouler entre 2 dates de concert ? Et en écoutant  quelle musique ?

De Rennes vers Brest, je suis le plus heureux des hommes, définitivement la Bretagne. Disons Agnès Obel dans les monts d’Arrée.

Merci beaucoup pour cette interview et très bon festival.

Merci à toi.

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