EHLA, boss de sa propre vie

Connaissez-vous Ehla ? La sœur de Clara Luciani, dont le véritable prénom est Léa, vient tout juste de sortir son second EP intitulé Pas d’ici. A 31 ans, l’artiste, qui avait déjà chanté aux côtés de Grand Corps Malade ou encore de Bolides nous livre son parcours et nous parle de sa musique.

Pas d’ici, c’est un mini album aux ambiances pop-soul et R’n’B, qu’elle dévoilera les 29 et 30 juin prochains au 1999, à Paris.

Peux-tu me parler de tes débuts aux côtés de Grand Corps Malade ? 

Oui ! On avait le même producteur, et j’ai commencé par chanter des textes à lui sur un premier EP qui était sorti chez Universal il y a 2/3 ans – j’étais encore assez timide, je n’osais pas lui faire écouter mes morceaux – et ça a été pour moi une super mise en avant. Au fur et à mesure, je lui ai fait écouter mes textes. Il m’a incité à continuer et il a surtout confirmé mon envie d’écrire en français. 

Le morceau Pas d’ici raconte ton enfance en Provence avec ta sœur Clara Luciani : “Mes années d’enfance et les airs que me jouait mon père”. C’est lui qui t’a donné cette passion pour la musique ? 

En grande partie, oui. J’ai une famille de musiciens, mes parents écoutaient beaucoup de musique, ma mère la chanson française – Claude Nougaro, Véronique Sanson – et mon père la pop anglaise et la soul.

“Et j’aime me rappeler
Que là-bas le soleil brille
Quand la capitale en été
Me fait des scènes, devient hostile” 

Et toi dans tout ça, qu’est-ce qui a forgé ta culture musicale ? 

J’ai adoré tout de suite le style de musique de mon père, avec Stevie Wonder, Earth, Wind & Fire, des sons hyper funky. A l’époque, je partais bosser et je n’aimais pas du tout le travail que je faisais. Du coup, dans la voiture je mettais l’album de Earth, Wind & Fire et je rendais mon trajet un peu plus léger.

A ce moment-là, je faisais de la musique uniquement le soir quand je rentrais. En 2013, j’ai fait un télé crochet et je suis partie à Paris peu de temps après. Ça a été l’élément déclencheur pour me lancer réellement dans la musique. 

Depuis tes débuts, tu composes beaucoup. Combien de temps t’a pris la phase de composition de ton EP ?

Je dirais 2 ans. Déjà parce que j’ai fait beaucoup de chansons et j’ai voulu prendre le temps de sélectionner les meilleures. 2 ans aussi parce que j’ai décidé d’être en indépendant. J’ai ce qu’on appelle un distributeur, du nom de Believe. Ils prennent le projet et le mettent sur les plateformes. Jusqu’à aujourd’hui ça me convient, sans label et sans réelle promotion. C’est ce qui explique aussi ce temps pour mûrir le projet. 

Combien de morceaux as-tu travaillés, au total, pour n’en sélectionner que six ? 

En fait je crois que je me construis de manière assez longue. J’avais besoin d’un EP pour mieux appréhender l’album. Il y a dû y avoir une quarantaine de morceaux ! Après, il y avait dès le début des évidences. Pas d’ici et MCMC je savais que je voulais les garder dans l’EP. Les plus sincères à mes yeux. 

Dans ton EP, tu es seule aux commandes de ta musique et tes arrangements ? 

J’avoue que je ne laisse pas grand monde entrer dans cette phase de création. Pendant longtemps je ne me suis pas assez faite confiance, et ça ne m’a pas aidé. 

As-tu prévu une configuration particulière pour tes prochains concerts ? 

Jusqu’à présent on était deux sur scène, pendant plus d’un an et demi. Pour les prochaines dates, je jouerai avec Léo aux machines et au synthé, un guitariste et un batteur. ça sera la première fois, et j’ai trop hâte ! 

En parlant de scène, c’est quoi ton actualité 2020 ? 

Je serai le 23 mai à Nice pour le Dime On Fest et les 29 et 30 juin au 1999 à Paris. J’ai aussi prévu de jouer à d’autres festivals dont je n’ai pas les dates exactes en tête… 

J’ai vu dans une interview que tu parlais du milieu de la musique en le qualifiant de “difficile”. Quels ont été les principaux obstacles auxquels tu as dû faire face ? 

Il y en a eu vraiment beaucoup. Le premier, c’est réussir à vivre quand la musique ne te le permet pas au début. Tu dois bosser à côté pour maintenir ton intermittence. En autre obstacle, le fait d’être une femme : se faire respecter, ne pas se faire trop draguer, comprendre si c’est professionnel ou intéressé, trouver sa différence. 

Est-ce que la notoriété de ta sœur Clara Luciani a pu être une aide à certains moments ? 

Disons que ça a été un plus. Les gens se sont pris d’affection pour notre lien assez fort, mais ce n’est pas ce qui m’a mise en avant. Je n’ai lu aucun article ou commentaire négatif sur notre duo. 

Ça s’explique probablement par le fait que vous faites une musique très différente. 

Oui ! Tellement que quand elle m’a proposé j’ai hésité à faire sa première partie à l’Olympia, justement parce qu’avec cet univers très différent, je risquais d’être très mal accueillie. Finalement, j’ai eu un accueil incroyable, un des plus beaux de tous les concerts que j’ai pu faire. Donc c’est vraiment positif, et tant mieux. 

Est-ce que l’actualité te donne de l’inspiration ? 

Carrément, et comme beaucoup je m’intéresse à la condition de la femme de manière générale. On est dans une ère où tout le monde prend la parole, où ça bouge beaucoup. Forcément ça me touche, et aussi particulièrement parce que je grandis, je vieillis.

Vieillir dans ce milieu c’est pas forcément évident, surtout quand tu es une femme. Il y a 5 ans quand j’ai réellement commencé à faire de la musique, quelqu’un du milieu m’a averti « attention, il te reste 5 ans […] Après 30 ans, les femmes dans la musique c’est mort. »

C’est une question d’image ? 

Ouais, carrément. T’es moins jolie, moins attirante. Alors que des mecs qui commencent après 40 ans, il y en a. T’as comme une horloge au-dessus de la tête. Aujourd’hui je me dis que c’est tellement bête de se laisser dicter ces choses. J’ai 30 ans et j’ai jamais été aussi contente de ce que je faisais ! 

Dans les choses qui m’inspirent, il y a aussi la mélancolie et cette sensibilité que je peux avoir parfois, parce que j’ai pas encore trouvé ma solution pour être moins affectée par tout. Je sais qu’on est beaucoup se retrouver dans tous ces trucs, la timidité, le manque de confiance, la tristesse sans réelle raison valable. 

Tu écoutes quoi en ce moment ? 

En ce moment j’écoute toujours des classiques, du Stevie Wonder, du Lauryn Hill, Les Fugees. Dans la nouvelle génération j’adore le nouveau titre d’Alicia Keys, le groupe Jungle, The Internet, Kaytranada… 

Donc t’aimes bien les trucs qui donnent la pêche ! 

Ouais, ou des balades comme les morceaux de Jorja Smith ! 

Comment consommes-tu la musique ? Plutôt disque ou plateforme musicale type Spotify ? 

Je suis à fond sur les sites de stream, style Spotify. Mais, j’achète aussi des vinyles. J’aime bien chiner des vieux trucs. Les meilleurs vinyles que j’ai pu trouver c’était à Manhattan. A Paris je connais moins de bons disquaires. 

©Elodie Daguin

Chronique album / Live report / Interviews