Abel Chéret, l’Amoureux saignant en interview

Bonjour Abel. Pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas encore, tu viens des Sables d’Olonne. Comment as-tu atterri à Paris ? Raconte-nous ton parcours musical :

Je suis rentré dans la musique en étant parolier d’un groupe de rock quand j’étais au lycée. Puis j’ai été chanteur dans ce groupe-là. C’est avec eux que j’ai appris la musique. J’ai appris la théorie musicale. J’ai commencé à faire de la guitare dans mon coin parallèlement à ce groupe de rock, et écrire des chansons plus intimistes, plus personnelles. J’ai fait partie de ce groupe, qui existe toujours, jusqu’à mes 23 ans. Après, je suis allé habiter sur Paris. Eux étaient à Angers et ça a un peu moins matché aussi musicalement, donc on a décidé d’arrêter de bosser ensemble. C’est toujours mes potes et je leur suis très reconnaissant de m’avoir appris tout ça et lancé dans la musique.

Pourquoi es-tu venu à Paris ?

Pour intégrer une école de chant/théâtre pendant 1 an et demi. Ça m’a beaucoup aidé sur l’interprétation et le jeu. J’ai pris plus de plaisir à faire du théâtre qu’à faire de la musique dans cette école. Ça m’a ouvert de nouveaux horizons en termes de jeu, d’interprétation et même d’écriture.

J’ai fait ça pendant 1 an et demi. Ensuite, j’ai fait plein de cafés concerts. J’ai enregistré mes premiers morceaux, dont je ne suis pas super fier. J’ai enregistré un 1er EP en 2014 qui s’appelle “Amertume”. Celui-ci j’en suis encore content quand je l’écoute. Ça marque un temps de ma vie de musicien. Mais j’ai beaucoup évolué dans la musique mais je peux le défendre encore. J’ai progressivement laissé place à un nouvel univers musical, plus électronique, qui correspond plus à mes attentes actuelles et mes envies. Je préfère cacher ce passé plus acoustique pour présenter ce que je fais en ce moment, quitte à ressortir plus tard le reste.

Pourquoi ce style musical un peu pop électro, exotique, érotique ?

Au départ, je composais beaucoup à la guitare et je construisais ma chanson autour de la guitare. Pour cet EP là, je me suis dit que je n’écoutais plus vraiment de chansons acoustiques et purement classiques, mais davantage de musique électronique, de pop, du hip hop. Je vais essayer de trouver un autre moyen de produire la musique. Je me suis acheté un ordinateur d’occasion. Au départ, j’étais pas trop MAO et production électronique mais je me suis dit que j’allais composer des textes et des chansons à la guitare et que j’allais laisser tomber tout ça, reprendre les textes et les mélodies et composer avec mon ordi. A l’époque, je revenais d’un voyage à Cuba. J’écoutais beaucoup du son cubain, de l’électro cubaine, de la salsa. Je suis parti des délires un peu rythmiques, qui correspondent à mes envies actuelles et ce que j’écoute en ce moment. Je suis parti là-dessus avec mes paroles et les mélodies. En terme de thème, c’est le contexte du moment qui a donné ça, j’étais dans une phase super passionnée où j’étais super amoureux. Tout ce qui sortait était sincère et avait un lien avec l’amour, la sensualité 

C’est donc l’amour qui t’as donné des ailes pour composer ce 2ème EP. Est-ce que c’est ta force de création ?

Pour cet EP là oui. J’ai toujours écrit des choses, ce n’est pas que l’amour qui donne de l’inspiration. Pour cet EP là, clairement c’est le côté à fleur de peau, dans le ressenti, dans l’écoute de mes sens, qui a donné cette écriture-là. Tout ce que j’écrivais, qui était trop intellectuel, ça marchait moins. Du coup, j’ai laissé tomber tous ces morceaux et j’ai laissé ces morceaux qui évoquent des images amoureuses.

Un garçon dans l’air du temps et à l’allure vintage, amoureux des mots et de leurs jeux. Tu lis beaucoup ?

Quand je lis beaucoup, je produis plus. Mon imaginaire se développe davantage. Typiquement, quand j’ai écrit cet EP, je lisais beaucoup de poésie. Baudelaire, Verlaine, Prévert. Ça m’a beaucoup inspiré, notamment en termes de musicalité. Les romans aussi m’inspirent beaucoup, le surréalisme.

Quelle évolution dans ta musique, entre tes deux EP ?

Sur le 1er EP “Amertume”, que j’ai sorti en 2014, on était en formule trio et on s’est dit qu’on allait toujours jouer à 3 : une batterie, des cuivres et moi à la guitare et au chant. Ça marchait bien, tous les morceaux avaient un son un peu jazzy. A un moment, on tournait un peu en rond et c’est de la musique que je n’écoutais plus tellement. J’ai voulu tout balayer et recommencer en ayant dans la tête que je voulais garder l’esprit percussif, avec Franck, le batteur, qui m’accompagne depuis longtemps et qui joue maintenant avec un SPDSX.

Pour ce nouvel EP, de qui t’es-tu entouré ?

Pour l’EP, j’ai écrit, composé seul. J’ai fait les arrangements au départ seul, les maquettes. Comme je découvrais la musique électronique, j’allais pas non plus aller très loin. J’ai rencontré Pierre Alain Grégoire, PAG, que j’ai découvert dans son groupe (AGAPE), et dont j’ai beaucoup aimé les sonorités. Comme j’ai une voix assez feutrée, je me suis dit que ça pourrait coller. Pour le mixage, j’ai fait appel à Etienne Caylou. Il a bossé pour Eddy de Pretto, Clara Luciani. C’est un gars super simple et abordable.

C’est quoi selon toi qui fait la réussite d’un album, et en particulier de celui-ci ?

J’espère que la musique y sera pour quelque chose ! Mais c’est vraiment aussi le jeu des rencontres. Ce qui a déclenché les choses c’est ma rencontre avec Pascal Demailly de Libération. Je l’ai rencontré sur l’édition mégaphone tour et il a accroché sur la musique et a fait un portait dans Libé et m’a conseillé le “Pic d’Or” à Tarbes. Moi les concours, je n’aime pas trop ça, j’en avais fait beaucoup avec mon groupe de rock. J’y suis finalement allé. Au-delà du concours, j’ai rencontré Thierry Dupin, le programmateur de France Inter. Il m’a suggéré à la commission d’écoute de France Inter et j’ai été en playlist grâce à lui, avec “Western Eros” et “Amour ultra chelou”. A l’heure du numérique et du mail, l’humain joue encore beaucoup. Les gens qui peuvent te permettre d’avancer sont avant tout des humains.

Et les rencontres d’Astaffort ?

Ça c’est assez frais, c’était pendant 10 jours. C’était génial. C’était un moment suspendu. On est 16 artistes. En plus c’était pas du tout un délire parisien. Il y’avait plein de gens que je ne connaissais pas avec un talent de fou. Il y’avait Big Flo et Oli, en plus de Francis Cabrel, comme parrains, même si on a regretté ne pas les avoir plus vus.

Ça t’a aidé dans ton travail d’écriture ?

Ça m’a questionné sur le fait que je n’avais pas encore exploré la co-écriture et le fait d’écrire pour quelqu’un d’autre. Ça a décoincé des choses.

Des idées ?

On en discute avec Charlotte Picas, qui m’accompagne un peu sur la partie artistique.

Pour en revenir à tes clips sur “l’Amour Saignant” et le très récent “Western Eros”, qui sont très esthétiques et travaillés, quel est ton lien avec le cinéma ?

J’aime beaucoup le cinéma, je regarde beaucoup de films.

On a tourné “Western Eros” à l’Ile de Ré début septembre, où j’étais en vacances avec ma copine, Margaux Billard. C’est Mérick et Gohu, proposés par Yakaproduction (Clip d’Angèle), qui ont réalisé ce clip. C’était cool le côté un peu différent du thème de la chanson, qui était une histoire coquine dans un cinéma en visionnant un western. Là ça décale le truc dans un univers aquatique, avec la marée qui monte comme le désir qui monte, ce qui permet de ne pas trop surligner les mots d’une histoire qui est déjà très claire.

Tu as fait les premières parties de Vanessa Paradis. Quelle rencontre !

Je n’avais pas encore de manager. J’ai envoyé un mail à la prod de Vanessa Paradis. Un matin je reçois un coup de fil et on me dit que Vanessa Paradis aime beaucoup mon EP et la fille de la prod m’a proposé 4 dates. Puis pas de réponse pendant 3 semaines… 1 semaine avant, elle me dit qu’elle m’a mis 2 dates à Marseille la semaine suivante, et 2 Olympias. C’était génial ! J’ai adoré ! J’ai eu un trac mais j’étais tellement bien entouré que c’était plus facile à gérer.On t’a comparé à un Souchon chelou, à un Etienne Daho, tu le vis plutôt bien ?

Ben plutôt ! D’ailleurs, à un concert de Vanessa Paradis, il y’a un mec qui me tape dans le dos. Il me serre la main, je me présente, il me dit : “Oui je sais, je croise les doigts pour toi”. Il est vraiment sympa. Souchon, j’ai pas tant écouté que ça, mais ce que j’ai écouté de lui ça m’a marqué, son écriture, son style … Je me suis rendu compte quand j’ai écrit mon EP, que ça ressemblait un peu à Souchon.

Et à quand le premier album ?

On travaille sur des nouveaux morceaux avec PAG. Pour l’instant je suis auto-produit. Je me mets des objectifs. Et là, je me mets l’objectif d’un EP en mars. Un album c’est un gros truc et je ne me sens pas de le faire en auto-produit. S’il y’a un label qui veut mettre des moyens dans un album, je suis prêt à en faire. Aujourd’hui, on peut fonctionner que par titre ou par EP.

Pour terminer, est-ce que tu crois que ça existe des amours pas ultra chelous?

C’est une bonne question. On en a déjà parlé avec plein de gens et je ne suis pas sûr que ça existe vraiment. Ou alors un amour qui est pas chelou pour moi, c’est pas un amour qui va durer longtemps et qu’on s’ennuie. J’ai un morceau qui s’appelle “La nuit je m’ennuie”, c’est un peu ça, un mec qui s’ennuie au pieu. Pour moi, il faut toujours qu’il y’ait un truc un peu fou, même si c’est rassurant d’avoir une routine.

Retrouvez toute son actu sur abelcheret.com  et sur scène le 23 novembre à l’International et le 6 décembre au 1999 à Paris.

Chroniqueuse / Live report / Interviews